dimanche, mars 20, 2016

VENISE : SCUOLE di VENEZIA



 
À Venise, la SCUOLA s'entend pour définir une ancienne institution à caractère associatif-corporatiste, soit pour désigner le bâtiment qui en constitue le siège.
Les SCUOLE de Venise, qui remontent  au XIe siècle, sont des confréries laïques, (les premières associations de travailleurs), qui sous la protection d'un saint Patron (fêté le jour de la San Marco par une procession commune pour tous les saints éponyme des scuole), regroupe des citoyens de la classe moyenne, les patriciens adhéreront quant à eux aux SCUOLE GRANDE.


 En 1467 on établit une terminologie officielle pour regrouper les confréries.
SCUOLE PICCOLE ou MINORE
sont nombreuses (210/400) et diverses : 
on compte en effet des Scuole Nazionale, associations regroupées par nationalité pour des étrangers venus travailler à Venise : Scuole des Albanesi, Schiavoni ou Dalmati, Bergamaschi, Greci, ou encore la Scuola dei Ebrei créée au début du XVIe siècle.La plus célèbre qui ait perduré jusqu'à ce jour étant la Scuola Dalmata di san Giorgio degli Schiavoni, connue surtout pour abriter le célèbre cycle de Vittore Carpaccio Storie dei Santi Giorgio, Gerolamo e Trifone et les deux Storie Evangeliche.
Les Scuole di devozione se consacraient à la vénération d'un Saint ou à la pratique d'un culte particulier, exemples la Scuola Levantina et la Scuola Italiana qui sont des synagogues.  Ces confréries aident à l'intégration et, si besoin, portent une assistance économique, psychologique ou matérielle à la communauté.
Mais les plus nombreuses étaient les confréries qui réunissaient des groupes du secteur artisanal, les Scuole artigiane, comme par exemple la Scuola dei Calegheri (des cordonniers), la Scuola dei Battiloro (des orfèvres) ou la Scuola dei Mureri (des maçons)...avec une spécificité locale la Scuola dell' Arte qui constitua une solution vénitienne à une époque où la vie économique du travail était inhérente du réseau social et surtout religieux. Les Scuole étaient toujours à proximité d'une église ou d'un monastère, ou y étaient même rattachées.

SCUOLE DEI BATTUTI ou
SCUOLE GRANDE
Elles se consacraient à l'origine à la pénitence et au mouvement de flagellation eurent le statut de SCUOLE GRANDE. Cest le Consiglio dei Dieci qui, au milieu du XVe siècle, accorde aux magistratures chargées de contrôler les marchandises, le soin d'approuver et de contrôler ensuite la bonne application de  la Mariegola (la Madre Regola), le registre des statuts de la scuole. 
Ces scuole grande construisirent des bâtiments somptueux pour y installer leur siège social avec une typologie architecturale et décorative type : au rez de chaussée un grande salle pour accueillir les cérémonies et une petite sagrestia (sacristie) ; au premier étage la salle du Capitolo ou Capitolare (Chapitre ou salle capitulaire) pour les réunions de la confrérie, communicante avec une pièce plus petite l'Albergo où était déposée la Mariegola  et les objets les plus précieux, et, où se réunissaient exclusivement les membres dirigeants. Si la sobriété étaient de mise dans les salles du rez de chaussées, les salles capitulaires s'ornaient de riches plafonds sculptées, de splendides sols en marbre et mosaïques et de pentures commandées aux maîtres illustres de l'époque comme Gentile et Giovanni Bellini, Vittore Carpaccio, Tiziano Vecellio, Jacopo Tintoretto, Jaoopo Palma il Giovane et Giovanni Battista Tiepolo.
Ces Ecoles étaient en effet fort riches, grâce à d'importantes donations, qui pouvaient venir aussi de ses propres membres issus des couches les plus élevées de la société vénitienne. Ces fonds pouvaient être utilisés comme un instrument d'aide sociale aux personnes, pour financer des projets publics (hôpital), pour enrichir leur propre siège… mais le gouvernement de la Repubblicca en profita aussi pour lever des fonds en vue de soutenir l'effort de guerre de la Sérénissime.
La chute de la Repubblica di Venezia en 1797 met fin a l'histoire millénaire de la Serenissima Repubblica… et aux différents ordres qui voient leurs biens et leurs collections d'art vendus ou dispersés dans des musées. Sur les neuf Scuole Grande quatre réussirent à renaître et à continuent encore aujourd'hui  : les  Scuole Grande dei Carmini, de San Rocco, de San Giovanni Evangelista, de San Teodoro et la Scuola Dalmata dei Santi Giorgio e Trifone. Concernant les visites, un memento pour aller voir l'essentiel...


 
C'est le La transfert en 1485 des reliques de Saint Roch (dont la protection était invoquée à l’occasion des épidémies) depuis Montpellier (France) jusqu'à Venise qui conduisit la confrérie à bâtir une église et une Scuola sous le patronage de San Rocco, confié à Pietro Bon. (Visita del Doge alla chiesa di San Rocco, Canaletto, 1735, National Gallery)
L'EGLISE
Dans l’église de San Rocco, sur le même Campo que la Scuola, deux œuvres du Tintoret témoignent de la préoccupation de la Scuola d'affirmer son souci d'assistance et d'hospitalité : Saint Roch guérissant les pestiférés (1549) et Saint Roch en prison visité par l'ange (1567).

 
LA SCUOLA et son exceptionnelle collection de TINTORET
L'intérieur renferme de nombreuses et remarquables boiseries et sculptures (Marchiori, Pianta), mais surtout une collection exceptionnelle de toiles du Tintoret, des murs aux plafonds, sur le thème de la Vie, la Passion et la mort de Jésus, présentes dans toutes les salles de la Scuola (Sala Terena, sala Capitolare, sala del Albergo)... faisant de "San Rocco, la Sixtine du Tintoret"

 





... et ...et...
mais aussi
 
dans le grand escalier : de part et d'autre œuvres d'Antonio Zanchiet Scarpagnino

Abramo e gli Angeli,Tiepolo
 
Annunziatione, Tiziano 1555
 
Cristo portacroce, Giorgione ou Tiziano (1508-9)
...
et aussi les sculptures de FRANCESCO PIANTA IL GIOVINE




représentation du peintre Tintoret
aller plus loin avec Tintoret (cf. à la fin du sujet)



   
La Scuola Dalmata di San Giorgio e Trifone (Scuola des Dalmates), a été fondée en 1451 à proximité de l'église San Francesco della Vigna, dans le quartier du Castello. Au XVe siècle, la Dalmatie (une partie de la Croatie actuelle) fait partie de l'empire Vénitien. Des marchands et marins originaires de cette région s'installent à Venise et se regroupent au sein d'une confrérie, reconnue en 1451 par Venise, la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni (en français les Esclavons, nom d'une population de la Croatie actuelle). Elle est aussi connue sous le nom de Scuola Dalmatia (des Dalmates). La Scuola se place sous le patronage des Saints Georges, Tryphon et Jérôme. Pour la décoration intérieure, ils font appel à Vittore Carpaccio qui réalise une dizaine d'œuvres sur la vie des Saints Patrons de la confrérie.


 







La Scuola Grande dei Carmini, située dans le quartier du Dorsoduro, à proximité du campo Santa Margherita et à côté de l'église Santa Maria dei Carmini, fut fondée en 1594 et placée sous le patronage de Notre Dame du Mont Carmel. C'est en 1767 que la confrérie reçoit du Conseil des Dix le statut de Grande, la dernière à obtenir ce statut. À cette occasion elle s'ouvre aux femmes, la seule des Scuole à le faire. La confrérie survit à la chute de la République et reste encore active aujourd'hui.

Peintures en grisaille de Nicolo Bambini, peintre baroque du XVIIIe siècle
Escalier dessiné par Longhena et décoré de stucs par Alvise Bassi





À l'étage, toiles de GIAMBATTISTO TIEPOLO, notoriété de la Scuola dei Carmini
"Titien, Tintoret, Véronèse ont pris la ville, en même temps que Palladio, Canaletto et Guardi, les "vues". Quand Casanavova dit que Venise est "là-haut", c'est à Tiepolo qu'il pense. Envol, ouverture, plafonds, toits ouverts, irruption dans l'air et l'apesanteur, le globe terrestre est vu depuis le Paradis (ou l'Olympe), le pinceau décide de ses formes et lui donne vie. Tiepolo est le dernier grand Vénitien, on peut dire qu'il tire le rideau de la splendeur de la rénissime..." (P. Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise)



SCUOLA GRANDE 
SAN GIOVANNI EVANGELISTA

La Scuola Grande di San Giovanni Evangelista est située dans le quartier San Polo, à proximité de l'église des Frari et du campo San Polo. Sous le patronage de Saint Jean l'évangéliste, son emblème est l'aigle de Saint Jean. À partir du XIVe siècle, elle connut une grande renommée après avoir reçu une relique de la Sainte Croix.
Aujourd'hui, la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista n'est ouverte que quelques jours par mois ou pour des expositions temporaires.
à la Galleria  de l'Accademia
Cycle des toiles des Miracles de la Croix



Vittore Carpaccio, Miracolo della Croce a Rialto
Giovanni Mansueti, Miracolo della Croce in Campo San Lio
Lazzaro Bastiani, Offerta della reliquia della Croce alla Scuola Grande San G. Evangelista
Gentile Bellini, Processione in piazza San Marco
Gentile Bellini, Miracolo della Croce caduta nel canale di San Lorenzo
Gentile Bellini, Guarigione di Pietro dei Ludovici 
Giovanni Mansueti, Guarigione della figlia di Benvegnudo da San Polo
Benedetto Diana, Miracolo della reliquia della Croce




 
Fondée en 1260 pour y installer le siège de la scuola, avec des objectifs humanitaires et religieux, reconstruit après un incendie,  la belle façade en marbre érigée sur le campo San Giovani e Paolo fut décoré par Pietro Lombardo entre 1485 et 1494. Elle est désormais l’hôpital civil du centre ville historique.
Après la chute de la Sérénissime en 1797, la scuola fut dépouillée de ses œuvres et la plupart furent dispersés soit par les vénitiens par mesure de protection, soit par les Français, soit par les Autrichiens dans l’Europe entière. Quelques-unes néanmoins sont conservées dans les collections du musée de l’Accademia et ce sont des reproductions numériques qui reconstituent les salles que l'on visite désormais in situ.
à la Galleria de l'Accademia
TINTORETTO



PARIS BORDONE
 




aller plus loin avec Tintoret
JEAN-PAUL SARTRE : Le Séquestré de Venise dans l'ouvrage Situations, IV

«En 1548, à Venise, sous le pinceau du Tintoret, devant les praticiens, les amateurs d'art et les beaux esprits, la peinture s'est fait peur. Une longue évolution a commencé, qui substituera partout le profane au sacré : froids, étincelants, givrés, les divers rameaux de l'activité humaine surgiront l'un après l'autre de la douce promiscuité divine. L'art est touché : d'un tassement de brumes émerge ce désenchantement somptueux, la peinture.»


Le Tintoret d'après J.-P. Sartre, la déchirure jaune DVD; Didier Baussy-Oulianoff (Gallimard)



Approche du Tintoret, Michel Sicard

CEZANNE  écrivait...

"Dites moi ce Tintoret, cette Tentation du Christ, à San Rocco, je crois, cet ange aux seins gonflés, avec des bracelets, un démon pédéraste et qui tend, avec une concupiscence lesbienne, des pierres à Jésus, on n'a rien fait de plus pervers... Chaste et sensuel, brutal et cérébral, volontaire autant qu'inspiré, sauf la sentimentalité ; je crois qu'il a tout connu, ce Tintoret... Ecoutez, je peux pas en parler sans trembler. Il se faisait endormir par sa fille, il se faisait jouer du violoncelle par sa fille, il se faisait jouer du violoncelle par sa fille, des heures... Seul avec elle, dans tous ces reflets rouges... Ses dieux tournent, tournent, ils n'ont pas le paradis calme. C'est une tempête, ce repos..."



Guide Pratique
Repère cartographique (clic sur la carte = agrandir)